MEMORANDUM DE LA FFPE SUR LE VIEILLISEMENT ACTIF AU SEIN DE LA COMMISSION EUROPEENNE

Avant-propos du Président de la FFPE, Pierre-Philippe Bacri

L'emploi des collègues 55+ : les propositions de la FEDERATION

Tous les fonctionnaires et de nombreux Agents des Institutions vont devenir un jour
des 55+. Il importe donc d'utiliser au mieux leurs talents au service de l'Institution qui
les emploie tout au long de leur carrière. Et pour valoriser les talents dans la durée, il
est essentiel de permettre et faciliter l’épanouissement professionnel., l'un ne pouvant
pas aller sans l'autre.

Le train de mesures adoptées par la Commission depuis deux ans et centré sur le
"talent management" fait l'impasse sur le sort des 55+, qui constituent pourtant 20% du
personnel de la Commission, pourcentage en voie d'augmentation constante.

Savoir-faire, expérience, loyauté, et mémoire versus déperdition des ressources

La population des 55+ dispose de très grands atouts. Quel que soit son
positionnement hiérarchique, elle est détentrice d'une pratique, d'une indépendance, et
d'un sens du service public européen particulièrement précieux, qui prennent encore
une dimension toute particulière dans le climat actuel de dénigrement de la
construction européenne.

Pourtant, ces collègues, AST, AD ou Agents, sont pour la plupart bloqués dans leur
carrière, et trop souvent, au gré des réorganisations se trouvent relégués
fonctionnellement dans un positionnement identique ou comparable à celui de
débutants, sans autre perspective que l'attente pénible et pour certains éprouvante de
la retraite.

Dépasser les constats et évidences, et passer à une politique bâtie sur des
mesures concrètes

La Commission avait commencé à s'intéresser au sort de ces collègues dès 2008 en
commandant l'étude EPEC sur la motivation du personnel 50+ (ils sont devenus des
55+ d'aujourd'hui). Elle a poursuivi en 2010, par le biais d'un groupe de travail créé
suite aux conclusions de cette étude. Après plusieurs réunions de ce groupe et une
journée en 2012 organisée par la DG HR dans le cadre de l'année européenne
consacrée au vieillissement actif (Consultez ici l'étude et toute la documentation liée à
cette journée), l'élan s'est arrêté au diagnostic.

Hélas, cette problématique n'est désormais plus que suggérée dans le document
élaboré par le COPEC (Comité pour l’égalité des chances) en 2016 et intitulée "a
better workplace for all: a strategy for diversity and inclusion". Ce document, qui n'a
toujours pas été adopté, reprend l'expression ambiguë de "active ageing" qui paraît
déjà assimiler les 55+ à des préretraités, et surtout ne répond à leurs attentes que par
des voeux pieux dénués de tout volontarisme.

La FEDERATION fait donc un constat : soit la DG HR ne dispose pas des moyens
correctifs, soit elle ne semble pas pressée de les mettre en place; dans les deux cas,
cela est dommageable tant pour les collègues concernés que pour l'Institution.…

Pourtant, il y aurait tant à faire pour lutter contre les discriminations liées à l'âge.
Surtout si l'on considère que la Commission elle-même incite les Etats membres à
déployer les plus grands efforts pour que la population active vieillissante soit
employée de la façon la plus utile, rationnelle, juste et épanouissante. Mais la
Commission oublie d'appliquer ces principes à elle-même.

Elargir la réflexion et agir vite

La FEDERATION demande l'ouverture immédiate d'une concertation avec la
Commission et qui puisse rapidement déboucher sur des mesures concrètes et dignes
pour les 55+. Parmi celles-ci, la FEDERATION retient en particulier:

*
la mise en place d'un véritable réseau de "mentoring" valorisant l'expérience des
55+;
*
un droit à la formation élargi, interne comme externe;
*
la création de postes de "chargés de mission" auprès de managers;
*
le meilleur recours aux postes de conseillers;
*
la fin de l'exclusion des 55+ à des emplois de management.

Pour préparer les mesures concrètes tant attendues par les collègues concernés, la
FEDERATION présente dans ce Mémorandum, une liste précise de propositions.

Le coût budgétaire étant marginal pour la Commission; Il s'agit essentiellement d'une
question de bonne volonté.

La FEDERATION s'engage de façon résolue pour la valorisation du personnel 55 + et
de leur meilleure utilisation possible au sein de la Commission, dans une approche
"gagnant-gagnant".

La FEDERATION est prête, dès maintenant, à s'engager sur un débat de fond avec la
DG HR afin de déboucher sur des actions concrètes, assorties d'un calendrier précis.
Les principes directeurs adoptés en 2012 par le Conseil sur le vieillissement actif
pourraient être le point de départ de cette réflexion et des actions de mise en oeuvre.

SOMMAIRE

Introduction

I. Le contexte au sein de l'Union européenne
1. La position de la Commission
2. La position du Conseil
3. La position des partenaires sociaux européens

II. Le contexte au sein de la Commission

III. Les recommandations de la FFPE: agir, sans plus tarder et mettre en
oeuvre la Déclaration du Conseil de 2012 sur le vieillissement actif et ses
principes directeurs

Introduction

Actuellement, la Commission emploie presque 33.000 fonctionnaires dont près
de 20% ont plus de 55 ans.1 La situation est comparable pour les plus de 3000
Agents bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée.

1 Plus exactement, les chiffres de 2016 indiquent que sur 32.966 fonctionnaires, 18,6% ont plus
de 55 ans.

https://myintracomm.ec.europa.eu/hr_admin/en/metrics_reporting/Documents...

Il s'agit d'une part substantielle du personnel de la Commission. Force est,
néanmoins de constater que la Commission n'a jamais conçu de véritable
stratégie pour valoriser et utiliser au mieux le potentiel de cette tranche de sa
population. Pourtant, les 55 + ont de nombreuses qualités : compétence,
profonde connaissance de la maison, loyauté.

Dans un contexte de forte mobilité au sein des services de la Commission, les
55+ constituent, bien souvent, des points de repère précieux.

Le propos de la FEDERATION, par le biais de ce Mémorandum, est de
rappeler, notamment dans son premier chapitre, les propositions de la
Commission par rapport au vieillissement actif ainsi que celles de l'OCDE.

La FEDERATION entend souligner dans ce contexte l'accord qui devrait être
conclu en 2017 associant les partenaires sociaux européens des Etats
membres sur ce même thème du vieillissement actif, preuve supplémentaire de
son importance.

Le deuxième chapitre porte sur les quelques réflexions lancées par la
Commission pour gérer au mieux le vieillissement actif au sein de ses
services.

Le troisième chapitre porte sur la proposition concrète que la FEDERATION
met sur la table afin qu'une stratégie globale, assortie d'un calendrier précis,
puisse être adoptée: la stratégie doit viser à valoriser et utiliser au mieux
quelques 7.000 fonctionnaires au sein de la Commission, dans une logique de
gagnant-gagnant.

I. Le contexte au sein de l'Union européenne

1. La position de la Commission

Le rôle de la Commission – ainsi que celui de l'OCDE- a été crucial pour
relancer, voire imposer, au début des années 2000, le thème du vieillissement
actif, parlant même de vieillissement professionnel.

Les deux institutions ont développé une approche globale qui établit un lien
entre la réforme (et la durabilité) des systèmes de retraite et une politique du
vieillissement actif.

En ce qui concerne l'OCDE2 , il faut rappeler que celle-ci a joué un rôle de
pionnier dans la production d'études et de rapports sur le vieillissement actif,
grâce, notamment, à une série de rapports portant sur une vingtaine de pays.

2 Courrier hebdomadaire du CRISP 2011/20 de Thibauld Moulaert et de Dimitri Léonard

Par la suite, la Commission elle-même a pris les devants, en inscrivant l'objectif
du vieillissement actif dans les lignes directrices de sa stratégie pour l'emploi.
Plusieurs lignes directrices ont ainsi mis en exergue des mesures visant à
prolonger la vie active, à soutenir l'accès des travailleurs plus âgés à la
formation, etc.

Par ailleurs, le Conseil européen de Stockholm de 2001, a, en quelque sorte
consacré l'objectif du vieillissement actif, en établissant un objectif chiffré, à
savoir un taux d'emploi de 50% pour la population européenne dans la tranche
d'âge de 55 à 64 ans.

Plus récemment, en 2012, la position de la Commission a été explicitée par son
document "La contribution de l'UE au vieillissement actif et à la solidarité
intergénérationnelle".

Dès l'avant-propos, le Commissaire d'alors, M. ANDOR donnait déjà le ton:
"Nous avons tendance à oublier que le vieillissement de la population est une
évolution importante; c’est le résultat de conditions de vie plus saines et
d’avancées médicales qui permettent de réduire la mortalité précoce. Pourtant,
il est incontestable que le vieillissement rapide de la population européenne au
cours des prochaines décennies et le départ en retraite de la génération du
«baby-boom» posent des défis réels.

Il est nécessaire de soutenir le vieillissement actif dans tous les aspects de
la vie, qu’il s’agisse des activités professionnelles, communautaires et
familiales ou de la capacité à vieillir en bonne santé et de manière autonome.

C’est sur cette base que reposera la solidarité intergénérationnelle dans les
années à venir".

Le vieillissement actif commence dans le milieu professionnel.

Un tiers des Européens ont déclaré récemment dans une enquête
Eurobaromètre qu’ils aimeraient poursuivre leur activité professionnelle après
avoir atteint l’âge de la retraite, mais pas nécessairement à temps plein. Mais
actuellement, peu d’entre eux ont la possibilité de le faire.

Dans le même temps, cela implique de modifier notre attitude vis-à-vis du
vieillissement, de rehausser la limite entre les «jeunes» et les «vieux»,
puisque notre espérance de vie augmente, et de mieux apprécier le soutien et
l’expérience que les personnes âgées peuvent offrir et offrent dans tous les
domaines de la vie.

Il s’agit d’une vaste stratégie à laquelle les gouvernements, les entreprises, les
syndicats et la société civile doivent contribuer à tous les niveaux. Les
principaux instruments politiques sont entre les mains des dirigeants des États
membres. Toutefois, l’Union européenne (UE) a un rôle à jouer à cet égard. Elle
peut mobiliser toute une série d’instruments politiques visant à soutenir les
efforts des États membres et des autres parties prenantes.

Selon la Commission, le vieillissement actif a trois grandes implications:

1. permettre aux femmes et aux hommes de travailler plus longtemps. En
surmontant les obstacles structurels et en proposant des mesures incitatives
appropriées, il est possible d’aider de nombreuses personnes âgées à rester
actives sur le marché du travail, avec des avantages systémiques et individuels;

2. faciliter la citoyenneté active au moyen d’environnements favorables qui
tirent parti de la contribution que les femmes et les hommes âgés peuvent
apporter à la société;

3. permettre aussi bien aux femmes qu’aux hommes de rester en bonne santé
et de vivre de façon autonome lorsqu’ils vieillissent, grâce à une approche du
vieillissement en bonne santé fondée sur le parcours de vie, associée à un
logement et des environnements locaux adaptés qui permettent aux personnes
âgées de rester chez elles aussi longtemps que possible.

La Commission affirme que l'Europe ne peut répondre aux défis de l’évolution
démographique qu’à travers le vieillissement actif; sa prospérité et sa cohésion
sociale futures en dépendent.

Le vieillissement actif constitue, par ailleurs, un volet essentiel de la stratégie
Europe 2020. Sa réussite dépend dans une large mesure de l’autonomisation
des personnes âgées, leur permettant de contribuer pleinement au marché du
travail et au reste de la société. Les personnes âgées doivent pouvoir rester
actives en tant que travailleurs, consommateurs, soignants, volontaires et
citoyens. Le vieillissement actif est le fondement de la solidarité
intergénérationnelle: un objectif de l’UE exprimé, par ailleurs, dans l’article 3 du
traité de Lisbonne.

En 2014, la Commission a tiré les enseignements qui s'imposaient quant à
"l'Année européenne 2012" du vieillissement actif. C'est le sens de son rapport
de mise en oeuvre de l'Année3, où la Commission rappelle les principaux
objectifs atteints : la sensibilisation de l'opinion publique à l'importance du
vieillissement actif et la promotion de celle-ci en tant que priorité dans l'agenda
politique ainsi que la promotion de nombreuses activités dans plusieurs Etats
membres, permettant de lutter contre les discriminations fondées sur l'âge et
contre les stéréotypes liés à l'âge.

3 COM(2014)562

Le rapport rappelle que la Commission, malgré un budget limité (5 millions
d'euros) a obtenu des résultats probants. En effet, les nombreuses activités
organisées dans le cadre de "l'Année européenne 2012", ont permis de mettre
l'accent sur la diffusion des bonnes pratiques et la Commission de rappeler que

la base de données de l'UE a constitué un instrument de partage de
l'information efficace par rapport aux histoires de réussite et aux exemples
positifs.

Plusieurs activités de "l'Année européenne 2012" ont également mis en
exergue la nécessité de lutter contre les discriminations fondées sur l'âge mais,
peut-être plus important encore, la dynamique engendrée a encouragé certains
pays à renforcer leurs programmes nationaux sur le vieillissement actif ou à en
lancer de nouveaux (c'est le cas, notamment, de l'Autiche, de l'Espagne, de la
Belgique, de l'Irlande ou encore de la Pologne).

"L'Année européenne 2012" aura aussi contribué à l'élaboration d'un indice du
vieillissement actif, "qui mesure diverses dimensions du vieillissement actif et
quantifie le potentiel inexploité pour chaque pays. Il devrait aider les décideurs
politiques à recenser les enjeux et potentiels non réalisés en faveur d'une
participation plus active des personnes âgées à l'économie et la société et
permettre le suivi des progrès accomplis.

Enfin, le rapport met en exergue deux instruments majeurs de l'Union
européenne qui pourront promouvoir le vieillissement actif : le Semestre
européen (qui est l'instrument de gouvernance économique européen par
excellence) où des recommandations en faveur de carrières plus longues ont
été adressées à la plupart des Etats membres et le Fonds social européen,
dont l'une des priorités pour la période de programmation 2014-2020 est bien le
vieillissement actif.

2. La position du Conseil

La position du Conseil est constituée par la Déclaration adoptée le 7 décembre
2012. Le Conseil y indique la voie à suivre s'agissant du vieillissement actif et
de la solidarité générationnelle.

Tout en n'établissant pas toujours la juste distinction entre personnes âgées
déjà à la retraite et travailleurs plus âgées mais étant encore actifs, la position
du Conseil est intéressante.

Le Conseil y salue la dynamique politique engendrée par l'Année européenne
2012 du vieillissement actif et souligne que la promotion du vieillissement actif
répond à plusieurs défis: un défi démographique ( "le défi de l'évolution
démographique peut notamment être relevé au moyen d'une approche positive
de la vie entière mettant l'accent sur le potentiel de toutes les générations et, en
particulier, des personnes âgées), un défi social ("la promotion de la
participation au marché du travail, par des actions en faveur de l'implication des
jeunes et des personnes âgées dans des activités de formation tout au long de
la vie") et, enfin, un défi citoyen ("le droit des personnes âgées à participer à la
vie sociale, économique, culturelle et civique").

Néanmoins, on y reviendra, la partie la plus importante de la Déclaration porte
sur ses principes directeurs (voir chapitre portant sur les recommandations de
la FEDERATION).

3. La position des partenaires sociaux européens

Comme confirmation du caractère stratégique du thème du vieillissement actif,
les partenaires sociaux européens (BusinessEurope, CEEP et UEAPME du
côté des employeurs et la CES du côté des syndicats) ont déjà annoncé leur
volonté d'aboutir, en 2017, sur un texte commun portant sur le vieillissement
actif. Ce texte méritera d'être analysé mais, dès maintenant, cet effort commun
des partenaires sociaux confirme, si besoin en est, la pertinence du sujet.

II. Le contexte au sein de la Commission

Le constat est relativement simple : alors que la Commission a été active pour
souligner l'importance stratégique, économique, démographique et sociale, du
vieillissement actif (notamment par l'adoption de l'Année européenne 2012
consacrée au vieillissement actif), elle a été très timide dans l'élaboration - et
surtout dans sa mise en oeuvre – d'une stratégie visant son propre personnel.

Le constat saute pourtant aux yeux : dans n'importe quel secteur, l'"équipe"
gagnante est celle qui est capable d'allier enthousiasme et expérience,
motivation et savoir-faire, dynamisme et vision.

Les exemples sont multiples : les amateurs de football savent bien qu'une
équipe composée que de jeunes ne gagne jamais le championnat, il faut
toujours que les jeunes soient entourés, voire encadrés, par quelques joueurs
expérimentés. De la même façon, une équipe de seuls vétérans a sans doute,
elle aussi, peu de chances d'aller jusqu'au but.

Dans le secteur privé, c'est exactement la même chose : dès 1979, le fameux
manager dans le secteur de l'automobile américain, Lee Iacocca, après avoir
relancé Ford fût appelé au chevet de Chrysler, géant aux pieds d'argile. Il vaut
la peine de lire sa recette pour sauver le groupe dont un des éléments clé a été
la constitution de son équipe.

Lee Iacocca n'a pas hésité à recruter de jeunes cadres dynamiques mais il a
aussi souhaité s'entourer de managers expérimentés (certains étant déjà à la
retraite!) car son credo était très simple : la constitution d'une équipe dirigeante
de qualité et efficace passe par la capacité d'allier enthousiasme et savoir-faire,
jeunesse et expérience.

En Europe, diverses entreprises, comme par exemple le Crédit agricole, ont
négocié avec leurs syndicats des accords pour promouvoir le travail des
travailleurs âgés. A noter que dès 2013 le Ministère de l'Emploi belge a lancé
une campagne de sensibilisation des entreprises à l'emploi des travailleurs
âgés, rappelant les mesures concrètes prises par le gouvernement belge à cet
égard.

Ainsi, dans le secteur privé, quand on veut sauver des entreprises ou bien les
rendre plus performantes, on n'hésite pas à diversifier les équipes en y
intégrant des anciens.

L'objectif premier d'une entreprise, dans le secteur privé, est celui d'être
compétitive, pas de faire dans le social. Le recours à des travailleurs plus âgés

répond donc à un impératif économique; il s'explique par le fait que les
travailleurs "âgés" apportent une valeur-ajoutée indéniable et incontournable.

Certes, c'est aux chefs de savoir s'en servir et pour cela il faut qu'ils aient une
vision d'ensemble, claire et lisible. Quand une telle vision existe, la motivation
des travailleurs, jeunes et moins jeunes, est assurée, ainsi que leur forte
volonté de coopérer afin d'atteindre l'objectif commun.

Si donc le secteur privé joue la carte de la diversité, pourquoi le secteur public
ne le fait-il pas?

De nombreuses recherches, européennes et américaines, abondent dans le
même sens : le maintien des travailleurs âgés sur le marché du travail
deviendra, dans les années qui viennent, un impératif économique et social. Il
faut s'y préparer sans tarder, en n'hésitant pas à adopter des stratégies
conséquentes.

La Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail
a approfondi la question, en publiant deux rapports qui mettent, notamment, en
exergue l'impact de la récession sur les politiques de gestion des âges dans un
certain nombre d'Etats membres.4

4https://www.eurofound.europa.eu/sites/default/files/ef_files/pubdocs/201...

https://www.eurofound.europa.eu/impact-of-the-recession-on-age-management-
policies-case-studies-and-country-reports

5 La Commission a commandé l'étude EPEC sur la motivation du personnel 50+ (ils
sont devenus les 55+ d'aujourd'hui). Elle a poursuivi en 2010, par le biais d'un groupe
de travail créé suite aux conclusions de cette étude. Après plusieurs réunions de ce
groupe et une journée en 2012 organisée par la DG HR dans le cadre de l'année
européenne consacrée au vieillissement actif (Consultez ici l'étude et toute la
documentation liée à cette journée), l'élan s'est arrêté au diagnostic.

S'il faut reconnaître que la stratégie adoptée par la Commission en juin 2016
sur le talent management pose les fondements d'une stratégie intégrée de la
fonction publique européenne, celle-ci passe complètement sous silence le
vieillissement actif, soit le 20% de sa population.

Alors que la Commission, par ses documents, déclare qu'intégrer la donne du
vieillissement actif est un impératif économique et social, on a la sensation
désagréable que les quelques rares fois que la Commission mentionne le
vieillissement actif au sein de ses services, elle le fait sous forme de voeux
pieux.5

De plus, et peut-être plus grave, on a la sensation que les 55 + sont traités
comme des pré-retraités.

Cette approche est irréaliste, injuste et discriminatoire.

Irréaliste car aujourd'hui on vit plus longtemps et on peut bénéficier d'une santé
de meilleure qualité.

Quand on a dépassé les 55 ans, on a encore toutes ses capacités
intellectuelles; à cet âge-là, on a besoin, quel que soit son niveau hiérarchique,
de motivations professionnelles et, pourquoi pas, de perspectives de carrière.

La Commission donne plutôt la sensation qu'à cet âge-là, la priorité des
priorités est une chaise plus ergonomique, une meilleure conciliation vie
professionnelle-vie privée, une préparation à une retraite plus ou moins
paisible.

Cette approche ne colle absolument pas à la réalité : les fonctionnaires 55 +
constituent une évidente valeur ajoutée pour la fonction publique européenne,
ils ne constituent pas un boulet. Ils sont, en réalité, très liés au projet européen
et à ses finalités et ils ont fait, au cours de leurs carrières, leurs preuves.

Cette approche est injuste et discriminatoire car si un fonctionnaire 55+ a bien
travaillé et continue à le faire, pourquoi doit-on lui interdire (de facto) toute
progression de carrière.

Nous savons très bien que plusieurs Directeurs généraux disent à leurs
Directeurs de ne pas nommer des Chefs d'unité ayant plus de 55 ans.

Cet état de fait constitue une double discrimination pour cette tranche de la
population : d'une part, on l'exclut des postes de management et, d'autre part, si
les Chefs d'unité sont tous des "jeunes" ayant moins de 50 ans, il y a de fortes
chances pour que ceux-ci ne désignent pas des Chefs d'unité adjoints "âgés".

Il en découle qu'il faut imaginer des parcours professionnels différents et plus
adaptés à la réalité. Il faut avoir le courage d'innover et de penser hors de la
boîte habituelle.

Le but ultime est celui d'intégrer véritablement les 55+, d'en exploiter au mieux
les qualités et l'expérience. Les fonctionnaires 55+ ne demandent que cela.

Il y a, en réalité, déjà un texte qui pourrait même constituer un texte fondateur :
la Déclaration adoptée par le Conseil EPSCO le 6 décembre 2012, assortie
d'une palette de principes directeurs en matière de vieillissement actif.

Certains de ces principes sont très pertinents et concrets : ils ont juste un
petit défaut; on ne les a jamais appliqués à la Commission!

Les propositions de la FFPE

Pour la FEDERATION il y a urgence : il faut agir rapidement sur ce thème
crucial.

La FEDERATION propose que la Commission adopte, sans plus tarder, une
stratégie intégrée pour le vieillissement actif, assortie de propositions précises
et d'un calendrier.

Pour ne pas commencer de zéro, la FEDERATION propose de mettre en
oeuvre les principes directeurs contenus dans la Déclaration du Conseil de
20126.

6 Déclaration du Conseil relative à l'Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité
intergénérationnelle (2012) : la voie à suivre – 7 décembre 2012

La FEDERATION est prête à participer à la rédaction de ce texte, dès
maintenant.

Mettre en oeuvre les principes directeurs clé de la déclaration

Le préambule du Conseil est très clair, l'analyse qu'elle propose est solide et
convaincante.

C'est néanmoins au niveau des principes directeurs que le travail doit
commencer. Le Conseil en a établi 19.

La FEDERATION peut tous les soutenir; parmi ceux-ci, certains fixent déjà, de
façon précise, le cap et la voie à suivre. Par ailleurs, ils concordent
parfaitement, avec les propositions que la FEDERATION avait déjà faites en
2016.

. Stratégies de gestion des âges: adapter les carrières et les conditions de
travail à l'évolution des besoins des travailleurs qui avancent en âge et éviter
ainsi le recours à la retraite anticipée.

Il s'agit d'un principe directeur clé. Quel que soit le niveau hiérarchique d'un
fonctionnaire 55 +, il est évident qu'on ne peut pas lui enlever toute
possibilité de carrière ou de perspective de carrière.

Le mot clé, ici, est "adapter" les carrières. La FEDERATION est prête à
avancer des propositions concrètes, outre à celles déjà évoquées (ne pas
interdire les promotions pour les 55+; prévoir un quota de managers pour
les 55 +; éviter les mobilités forcés pour les 55+ ou, à défaut, leur permettre
de faire des mobilités réellement de leurs choix; la création de postes de
"chargés de mission" auprès de managers, etc.)

. Prévention de la discrimination fondée sur l'âge: garantir aux travailleurs
âgés présents sur le marché du travail les mêmes droits qu'aux autres
travailleurs, en évitant de faire de l'âge un critère déterminant pour évaluer
l'aptitude à occuper un emploi donné; prévenir les stéréotypes liés à l'âge et

les attitudes discriminatoires dont sont victimes les travailleurs âgés sur le
lieu de travail; mettre en valeur la contribution des travailleurs âgés.

Ce principe de non-discrimination basé sur l'âge est central; il constitue
l'indispensable corollaire au principe précédent et constitue le fondement
même d'une stratégie pour le vieillissement actif digne de ce nom.

. Transfert de l'expérience: mettre à profit les connaissances et les
compétences des travailleurs âgés par le parrainage et la mise en place
d'équipes comprenant plusieurs catégories d'âge.

Ce principe met, justement, en exergue le principe du "mentoring"; la
Commission a fait quelque chose à cet égard mais il faut qu'elle soit
beaucoup plus active et décidée sur cette voie, qui est un exemple patent de
bonne pratique s'inscrivant dans une logique "gagnant-gagnant". La
FEDERATION renouvelle sa proposition d'établir un véritable réseau de
"mentoring".

. Apprentissage tout au long de la vie: fournir des possibilités
d'apprentissage aux personnes âgées, notamment dans des domaines tels
que les technologies de l'information et de la communication (TIC), les soins
auto-administrés et les finances personnelles, qui leur donnent les moyens
de participer activement à la société et de prendre en main leur propre
existence.

Le principe d'un droit à la formation continue, interne et externe, doit
concerner tous les fonctionnaires de la Commission, à fortiori les 55+.

. Participation au processus décisionnel: continuer à associer les femmes
et les hommes âgés au processus décisionnel, notamment dans les
domaines qui les affectent directement.

Il s'agit d'un principe général que la FEDERATION soutient, d'autant plus si
on en établit le lien avec le principe directeur portant sur la stratégie de
gestion des âges.

La Commission doit mettre, le plus rapidement possible, en oeuvre les principes
directeurs de la Déclaration de 2012 et élargir la réflexion et l'action aussi à
l'identification des meilleures pratiques à l'intérieur des Directions générales
concernant la promotion du vieillissement actif. La Commission devra par la
suite partager et promouvoir ces meilleures pratiques.

Si l'objectif est celui d'avoir une Commission européenne et des Institutions
européennes plus fortes, il faut fédérer tous les collègues, de toutes les
catégories et de tous les âges : c'est une évidence.